Résidences artistiques : Quel art en banlieue ?

Après une saison haute en couleur ponctuée par la FIAC et Paris Photo, nous nous écartons de Paris et posons le regard par-delà les murs de la capitale, sur les points névralgiques de la culture, là où se forment les talents de demain. Dans les banlieues, les résidences artistiques accueillent des artistes triés sur le volet où ils affinent la pratique de leur art à l’abri des courants dominants.

Une constellation de pôles créatifs 

Les résidences artistiques se présentent sous plusieurs formes, reste qu’elles se définissent essentiellement par l’attribution d’un espace, propice à la création, doté des installations nécessaires et relié à une institution, dans lequel des artistes sont invités à séjourner (sur concours) pour travailler sur un projet expérimental. Habituellement, l’étroite proximité entre les diverses disciplines et les artistes issus de milieux différents réunit les conditions idéales pour la collaboration et l’expérimentation. C’est un vrai laboratoire vivant dédié à l’imagination créative et porté par un esprit de communauté. Ou, en d’autres mots, ce sont les 35 heures de l’artistes (car nous avons tous besoin d’un cadre, de temps en temps).

Permettez-nous de citer l’une des résidences artistiques les plus emblématiques de l’histoire, la Villa Médicis. Perchée sur le Monte Pincio à Rome, l’Académie de France pour les arts accueille des artistes dans son enceinte depuis 1666. Fondée par Louis XIV, l’Académie a eu l’immense honneur de recevoir les contributions d’artistes renommés tels que Ingres, Berlioz, Carpeaux, Debussy et Garnier.

En 2014, Samuel Gratacap, pensionnaire à la Villa Médicis, suit les déplacements successifs de miliciens en Libye.

D’un côté, nous trouvons ces grandes maisons historiques filées d’or et de soie et de l’autre, des espaces excentrés et marginaux, gérés comme des communes, obtiennent des résultats tout aussi probants/œuvrant dans le même sens et accomplissant tout autant qu’elles. Un exemple extrême de mise en commun anticonformiste, c’est ITSA Small, Small World de Hennessy Youngman, dévoilée en 2012 à la galerie Family Business à New York. À première vue, l’exposition pourrait ressembler à un maelstrom de grand n’importe quoi, mais à bien regarder, elle agit plutôt comme une version moderne et décalée du Salon des refusés (fondé par les impressionnistes en 1863 après s’être fait snober par les principaux salons) qui offre à voir des œuvres de 500 artistes appartenant ou non à la scène artistique.

À Paris aussi, de nombreuses résidences artistiques ont fait leur apparition, surtout hors les murs. Avec le prix du mètre carré qui ne cesse de monter et l’espace intra-muros approchant son point de saturation, cela va de soi de rechercher des espaces créatifs dans les banlieues, là où les friches industrielles abondent. En outre, la plupart des artistes émergents vivent maintenant en banlieue, la cause étant la gentrification de nombreux quartiers à Paris, y compris les anciens quartiers bohèmes. Une nouvelle tendance prometteuse s’il en est une, et qui porte déjà ses fruits.

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« Komunuma », signifiant « communauté » en Espéranto, atteste haut et fort le renouveau du Grand Paris. Financé par la Fondation Fiminco, le projet prévoit de transformer l’ancien laboratoire pharmaceutique Roussel-Uclaf à Romainville en ce qui deviendra un des plus grands laboratoires artistiques d’Europe. Il comprendra cinq bâtiments qui serviront à la fois d’espace d’exposition et de résidence artistique pouvant recevoir environ 20 artistes, d’ici et d’ailleurs. Une inauguration officielle a eu lieu le 20 octobre 2019, tandis que la livraison finale du projet est prévue pour l’automne 2020.

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Plus humble, mais tout aussi efficace, le 6B fait travailler nos artistes depuis 2010. Situé dans une installation industrielle de 7 000 m2 à Saint-Denis, cet espace culturel autogéré offre 170 ateliers d’artistes en location à des prix abordables en plus d’espaces mutualisés de création, de diffusion et de convivialité. Le 6B est fier d’inclure tous et toutes et le prouve en accueillant un large éventail de professions tels qu’artistes musiciens, cinéastes, graphistes, artisans, travailleurs sociaux, comédiens, danseurs, peintres, sculpteurs, architectes et plus encore. Le 6B se présente comme un espace de création et de réflexion avec la vocation de renouveler et d’améliorer la culture du vivre ensemble sur le plan culturel, économique et politique.

Un autre organisme s’emploie à chercher comment améliorer notre société : le programme de bourses FORTE ou Fonds régional pour les talents émergents, à travers lequel l’Île-de-France décerne des bourses à des artistes âgés de 18 à 30 ans pour les aider à réaliser leur première production artistique. Le projet naît d’un besoin, celui de soutenir les jeunes créateurs. À cet effet, les bourses récompensent les diplômés des secteurs artistiques suivants : musique, spectacle vivant, arts plastiques, cinéma et audiovisuel, afin de les professionnaliser dans la pratique de leur art. Île-de-France estime que FORTE s’inscrit comme un premier pas essentiel visant à promouvoir une vie culturelle riche, car les artistes émergents sont souvent isolés des réseaux culturels principaux, se trouvent dans une situation économique précaire ou n’ont pas accès aux ressources adéquates, telles que des outils, des matériaux et un espace de travail. Pour notre part, nous sommes ravis d’avoir découvert Lucie Plumet, boursière FORTE 2019, et son accroche fraîche et franche : La jeune fille et les tocs.

Les résidences artistiques servent au mélange et au partage des idées, ce en quoi excelle Reflective Interaction. Le programme, entre recherche universitaire et création expérimentale, se concentre sur des questions artistiques, technoscientifiques, sociales ou environnementales. Le groupe de recherche questionne les relations des humains avec les dispositifs interactifs au moyen d’expériences réalisées dans un contexte naturel et artificiel. L’identité hybride du groupe, d’ailleurs surnommé « R & C » pour Recherche & Création, lui permet d’œuvrer pour le public et pour le secteur privé, pour lesquels il publie ses trouvailles sous forme de licence libre ou de brevet. Productif, Reflective Interaction propose une large gamme de travaux, des expositions aux débats publics en passant par les performances, les ateliers, les installations multimédias et un logiciel. Dans leurs laboratoires, on a l’impression que le XXIe siècle se reflète à l’infini, jusqu’à ce qu’en soient extraites, au détour du processus, des perles de savoir.

Une expérience utile

De près ou de loin, les résidences artistiques se révèlent être des dispositifs utiles et bénéfiques pour la société. Nous sommes loin de l’art pour l’art, au contraire, les résidences artistiques remplissent des fonctions précises, par exemple : inventer des techniques interdisciplinaires, réfléchir aux questions qui affectent le monde aujourd’hui ou encore découvrir et mettre au point différents médias. Le but ultime ? Forger une approche informée, inspirée et consciente de la création.

Nous croyons que les artistes qui ont travaillé sur des projets personnels sont plus à même de répondre aux attentes de leur secteur, notamment à gérer des commandes complexes, des délais serrés, une diversité de formats et des imprévus. Les résidences artistiques peuvent aider et soutenir ceux qui ont besoin d’un cadre, d’une première étape pour se professionnaliser. De plus, l’expérimentation peut nous enseigner la flexibilité, la réactivité, la résolution de problème créative, la pensée critique et la coopération. L’impact positif des résidences se confirme lorsque l’on considère la carrière de certains talents, comme le duo d’artistes Elsa & Johanna. La talentueuse équipe a intégré le Centre d’art Mains d’œuvres à Saint-Ouen de janvier 2018 à avril 2019 pour y travailler la photo et la vidéo (juste avant que le centre ne ferme ses portes et que la ville ne le transforme en conservatoire de musique). Au terme de leur aventure à Mains d’œuvres, le vent en poupe, leur travail est exposé à Paris Photo et Apple les engage pour réaliser un court métrage intitulé « Coup de bol », entièrement filmé à l’iPhone.

Des marges au centre, des investigations approfondies à la production effrénée, de l’apprentissage à la réalisation, les résidences artistiques participent à l’avancement des nouvelles générations de talents en leur fournissant les ressources dont elles ont besoin pour s’attaquer aux défis de demain.

Les résidences en Île-de-France

• L’Oeil Urbain - Corbeil Essonnes 
• La Ferme du Buisson - Seine-et-Marne
• La Ferme du Buisson - Marne-la-Vallée
• Le Cube - Issy-les-Moulineaux
• Pépinières européennes pour jeunes artistes - Saint Cloud
• Maison populaire - Montreuil (commissaires)
• La source - Val-d'Oise
• Résidence BMW - à GOBELINS Paris
• Mains d’oeuvres - Saint-Ouen
• CPIF - Pontault-Combault
• Villa mais d’ici - Aubervilliers
• MAC/VAL - Vitry-sur-Seine