Les Rencontres d'Arles : Plein feux sur les commissaires

17 Septembre 2019

Les Rencontres d'Arles : Plein feux sur les commissaires

Marvi Lacar A journey through Avignon É.-U. 2008 - Prix Levallois de École Nationale Supérieure de la Photographie

Tandis que les températures estivales battaient des records, Les Rencontres d’Arles se sont à nouveau imposées comme créatrices de tendances qui n’ont pas froid aux yeux.

Si vous visitiez Arles par hasard durant la première semaine de juillet, vous seriez probablement surpris, et peut-être même amusé, de croiser autant de photographes au même endroit. Avant, il était aisé de les reconnaître, avec leur Nikon, Canon ou Leica pendouillant à leur cou, or, tranquillement mais sûrement, ce sont les smartphones qui ont remplacé les précieux appareils à bandoulière. Vous rencontreriez également les professionnels travaillant de concert avec les photographes, il s’agit des éditeurs, des acheteurs d’art, des producteurs photo, des galeristes, les directeurs artistiques… et les commissaires.

Ce cercle qui gravite autour du photographe joue un rôle extrêmement important, car il édite, commande et génère une activité commerciale pour chaque image – bien que la plupart du temps, il travaille dans l’ombre de l’artiste. Cette année, Les Rencontres d’Arles ouvrent leur cercle aux jeunes commissaires en fondant une nouvelle Bourse de recherche curatoriale ; commanditée par Jean-François Dubos, Président honoraire de Vivendi, une compagnie spécialisée dans le divertissement digital. D’une valeur de 20 000 €, cette bourse a pour mission d’appuyer le projet d’un ou d’une jeune commissaire. Nous espérons donc que cette initiative saura mettre en lumière le travail remarquable des commissaires.

Si les photographes saisissent des moments, l’édition, elle, donne de la force à leurs histoires. Nous sommes tous photographes… mais sommes-nous tous commissaires ? La curation accélère la carrière du photographe et des éditeurs qui les épaulent. Elle procure du contexte et permet de se plonger dans les images plutôt que de simplement jouir de ses qualités esthétiques.
Il est essentiel de comprendre la composition du photographe, son approche, sa relation, au sujet. Et savoir apprécier l’importance des images au sein de leur contexte socio-historique consolide la pérennité de l’œuvre. Voilà ce que l’on attend d’un bon commissaire. Il nous apparaissait donc nécessaire de souligner une sélection de commissaires qui répondent à ces critères. 

Mohamed Bourouissa, observateur de notre temps


Mohamed Bourouissa, L’impasse, de la série Périphérique, 2007. Avec l’aimable autorisation de l’artiste, kamel mennour, Paris/London. ADAGP (Paris) 2019.

De l’avis de tous, c’est l’exposition à ne manquer sous aucun prétexte. “Libre échange” rassemble les œuvres de l’artiste plasticien Mohamed Bourouissa (1978). Au total, ce sont quinze ans de travaux mêlant photographie, vidéo, peinture, dessin, sculpture qui sont présentés au public dans un espace hors-norme : un magasin de grande distribution. Un choix qui n’est pas le fruit du hasard, puisqu’il est ici question de décrypter toutes formes d’échanges. En dévoilant des fragments de réalité qu’il transforme, Mohamed se veut être l’observateur de notre société. 

En préambule, de grands portraits viennent habiller les vitrines; il faudra traverser tout le magasin avant de se rendre au 1er étage pour visiter cette exposition résolument immersive. Dans une scénographie où les images et les objets se fondent, l’artiste plasticien interroge la place des plus démunis dans l’espace social. Une proposition curatoriale d’une grande complexité, qui pousse à la réflexion mais aussi à la contemplation.
Ce projet artistique, nous le devons à Françoise Vogt, responsable du mécénat culturel de PMU. Sa rencontre avec Mohamed remonte à 2011, année où il remporte la Carte blanche PMU. Dès lors ils ne se quittent plus, et Françoise s’investit dans bon nombre de ses projets. Nous remercions donc Françoise Vogt d’avoir proposé ce projet à Sam Stourdzé qui apporte un vent de contemporanéité à cette 50ème édition !


Helen Levitt, New York, 1980. Collection privée. Film Documents LLC, avec l’aimable autorisation de Thomas Zander Gallery, Cologne.

Les avant-gardistes célébrés aux Rencontres d’Arles

L’Espace Van Gogh accueille deux expositions passionnantes. Walter Moser, conservateur en chef de la photographie au Musée Albertina de Vienne, tout d’abord, nous livre la retranscription de l’œuvre d’Helen Levitt (1913-2009) à travers une collection de 130 tirages. Celle qui a développé sa pratique dans les rues new-yorkaises aux débuts des années 30, a su rapidement faire de la photographie une expression artistique. Bien loin des photographes de sa génération, Helen Lewitt se révèle être une véritable avant-gardiste. Et c’est avec une main de maître que le curateur de cette exposition, Walter Moser, nous traduit parfaitement avec ses mots l’œuvre de cette photographe américaine. 
C’est au tour de la jeune commissaire Clara Bouveresse de nous présenter “Unretouched Women”. Dans cette exposition, elle nous dévoile le processus de création de 3 ouvrages réalisés par 3 femmes photographes que sont Eve Arnold (1912-2012), Abigail Heyman (1942-2013) et Susan Meiselas (1948). Cette nouvelle forme d’édition expérimentale vient nous offrir un regard sur la représentation des femmes dans les années 70, à l’époque où une vague féministe touche les Etats-Unis. Un travail passionnant d’un point de vue sociologique et artistique… 

Clara Bouveresse est la lauréate 2018 de la Bourse de recherche curatoriale des Rencontres d’Arles. Si vous souhaitez participer à l’édition 2021, les candidatures se feront au printemps 2020, l’édition pour l’an prochain étant clôturée depuis le 13 juin dernier.

Susan Meiselas / Magnum PhotosA Gauche : Susan Meiselas, Debbie et Renee, Rockland, Maine, Etats-Unis, 1972. Avec l’aimable autorisation de Susan Meiselas / Magnum Photos. A droite : Eve Arnold, L’actrice Joan Crawford, Los Angeles, United States, 1959. Avec l’aimable autorisation de Eve Arnold / Magnum Photos.

Enfin, nous terminons sur un voyage au cœur de la photographie moderniste, avec l’exposition «Variétés», revue d'avant-garde. Réalisée collégialement avec Sam Stourdzé, Ronny Gobyn et Damarice Amao, cette proposition curatoriale vient ici nous dévoiler les archives de la revue «Variétés» lancée en 1928 et disparue en 1930. Durant une très courte période, ce magazine a rassemblé le travail des plus grands comme Man Ray, Germaine Krull, Berenice Abbott ou encore László Moholy-Nagy… Dans une scénographie parfaitement pensée, le visiteur explore l’anthologie d’un mouvement dans l’histoire de la photographie. On y découvre les numéros originaux accompagnés de tirages vintage. C’est un véritable trésor qui nous est livré ici.


A gauche : László Moholy-Nagy, Funkturm Berlin, 1928. A droite : Aenne Biermann, Clavier (Andante maestoso), 1928

INFORMATIONS PRATIQUES

Expositions visibles jusqu’au 22 septembre 2019

  • Libre échange
    Mohamed Bourouissa
    Monoprix
    Boulevard Emile Combes
    13200 Arles
  • Observatrice des rues new-yorkaises
    Helen Levitt
  • Unretouched Women
    Espace Van Gogh
    Place Félix Rey
    13200 Arles
  • «Variétés», revue d'avant-garde
    Chapelle Saint-Martin du Méjan
    Place Nina-Berberova
    13200 Arles
    https://www.rencontres-arles.com


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